Je ne vous ai pas parlé de San

J’ai rencontré San. Il a 80 ans, pourtant il ne fait pas son âge. Son visage et ses mains ne trahissent pas les années qui sont passées. Pas une ride et une peau élastique comme un jeune homme. Il est fascinant à regarder et à écouter. Captivant et bouleversant.

C’est un survivant avec des yeux qui pétillent et qui se recouvrent d’un voile, par moments quand il raconte ces moments insoutenables que la vie a mis sur son chemin. Dans les yeux de San, on peut voir beaucoup de choses.

Il est drôle quand il partage sa devise avec un grand sourire et son accent cambodgien :« il ne faut pas imiter les termites ». Les termites ? Il explique après avoir ri : quand la vie met des obstacles sur ton chemin, il ne faut pas laisser le problème à l’intérieur, parce que comme une termite il finira par tour détruire.

San est guide à Siem Reap au Cambodge. Il connaît les temples d’Angkor comme sa poche et dans les moindres détails. Il aime partager sa passion, c’est touchant. Ce qu’il préfère dans un des Temples, le Temple Bayon, ce sont les sourires des grandes statues. Il dit que ça lui réchauffe le cœur. Il est tellement heureux quand il partage cette émotion la main posée sur son cœur.

C’était monstrueux cette guerre barbare des Khmers Rouge qui ont décimé 2.5 millions de cambodgiens et fait disparaître une partie des siens. Ceux qu’il aimait tant et qu’il n’a jamais revu. Son meilleur ami est mort égorgé avec cette plante grasse plus coupante qu’une scie. Dans le grand parc du Temple d’Angkor Vat il s’arrête devant l’une d’entre elle et se souvient. San avait appris Corneille à l’école, il avait fait cette dissertation dont il se souvient encore « la vie en société ou la vie en solitude que préférez vous et pourquoi ». Mais les Khmers rouges ont formellement interdit l’usage de la langue française sous peine de mort. Alors San a oublié un peu son français, plus occupé à compter le nombre de grain de riz de ses maigres repas. Ça c’était les jours de fête. Sinon au menu c’était des souris ou des graines dans les arbres comme les animaux pour survivre.

Il n’a jamais eu de haine, mais il a été tellement triste pour son pays et il a tellement prié pour que ce cauchemar s’arrête. La petite flamme dans ses yeux a brillé à nouveau quand il a rencontré sa femme, la plus belle de toutes. Aujourdhui encore il n’y a qu’elle dans son cœur, même après ces opérations qui l’ont complètement défigurée.

Elle est vivante, il est tellement heureux pour elle et pour eux, il a prié nuit et jour pour qu’elle guérisse, il lui a donné tout son amour pour la soutenir dans son combat contre la maladie. Tout ce qu’il avait comme argent aussi et celui qu’il a dû emprunté pour couvrir tous les frais.

Il est fier d’elle, autant que de ses 3 enfants. sa fille qui l’a initié à la méditation il y a 5 ans. Il dit que ça lui fait un bien infini. Il ferme les yeux, il se concentre sur sa respiration. Il cultive sa force intérieure.

San a tellement de choses à raconter. C’est magique de rencontrer des hommes comme lui. Un sage inspirant aux yeux qui brillent.

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