Je ne vous ai pas encore parlé d’Etienne Porteaux

Cet homme a une double vie. Sa femme est parfaitement au courant et n’y voit aucun mal, bien au contraire.

Le jour Etienne Porteaux gagne sa vie. Pendant longtemps, dans une entreprise qui rend très riche si on trouve les bons numéros, depuis quelques mois dans un grand média qui parle économie et finances.

La nuit, il donne de la vie à ceux qui n’ont rien.

Il m’a proposé de venir faire une maraude avec un « si tu es bonne en soupes lyophilisées, je te prends dans mon équipe ».

J’ai donc fait des soupes à l’arrière de la camionnette, dont une pour G un SDF qu’Etienne connait depuis 15 ans. G.habite sous un pont sous une autoroute. Plus qu’une soupe, une tarte aux framboise et un café, (offerts par un boulanger au grand cœur qui cède à chaque maraude tous ses invendus et bien plus encore), Etienne leur offre du temps, des sourires, du réconfort. Il les fait parler du quotidien, y compris de la vie d’avant, quand G s’est fait virer de son usine de céramiques parce qu’il chantait et que son patron n’aimait pas. « La vie, il faut la prendre comme elle est » lance G. avant de repartir chez lui en chantant « les copains d’abord ».

Etienne « tourne » depuis 18 ans, il a ses habitués mais aussi des nouveaux comme cette famille avec deux enfants en bas âge. La petite fille de 2 ans s’est sans doute fait mordre par un rat, parce qu’explique le papa avec des gestes, il y a des gros comme ça là où on dort. Etienne appelle le médecin, qui exige la venue des pompiers, direction les Urgences. Entre temps, il appelle, le 115 pour un hébergement d’urgence. A l’hôpital, on attend et pendant ce temps, sa petite sœur qui marche tout juste s’émerveille des décorations au plafond de l’hôpital qui tournent dans la lumière. Grâce à Etienne qui les conduit à 30 km de la capitale, ils passeront la nuit dans un hôtel parce que les foyers ne prennent pas les enfants. Au moins une nuit.

Je me pince pour être sûre de voir et d’entendre tout ça, pas très loin de chez moi … je m’interroge sur ma chance, mon confort et je me dit que je voudrais partager plus et mieux. Je m’inquiète de tous ceux qu’on ne pourra pas aider, parce que l’heure tourne et que demain malgré tout on doit tous être sur le pont pour reprendre une activité… normale.

Etienne est calme et souriant. Il m’explique que « chaque tournée du Samu Social permet de relativiser beaucoup de choses », et que malgré le nombre d’années, il ne s’habitue pas ».

Respect Monsieur Porteaux, vous incarnez cet état d’esprit Shine au delà du réel.

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